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ÉDITORIAL

Le secret du bonheur

Mihai Claudiu CRISTEA

Nous changeons de voiture, de lave-vaisselle, de réfrigérateur, de téléphone ou de logement à la recherche d’un bonheur immédiat, souvent emportés par l’émotion et par notre désir insatiable d’accumuler des choses. Nous changeons aussi de partenaire quand il (ou elle) nous rend malheureux, mais aussi pour des raisons frivoles. Nous quittons notre emploi pour fuir un chef harceleur, mais aussi pour gagner un meilleur salaire. Nous changeons de ville ou même de pays à la recherche d’une vie meilleure ou plus paisible. Pourtant, le bonheur s’avère parfois illusoire et ne dure pas beaucoup plus longtemps qu’un feu d’artifice.

Dans le tourbillon de la vie moderne et dans une société parsemée de pièges de marketing de toutes sortes, la recherche obsessive du bonheur finit par nous épuiser. Écroulés sous les factures ou les dettes, le «bonheur» recherché à tout prix (et à n’importe quel taux d’intérêt) nous revient en pleine face comme un boomerang. Et pourtant, l’être humain n’a pas besoin de grand-chose pour être heureux. Plusieurs études prouvent d’ailleurs qu’à partir d’un certain salaire annuel (une vaste étude réalisée aux États-Unis parle de 75 000 $ par année), l’indice de bonheur n’augmente plus.

Cela m’est déjà arrivé de m’énerver terriblement en lisant des articles sur les salaires annuels astronomiques des médecins spécialistes au Québec, des juges et des hauts fonctionnaires d’Hydro Québec ou encore sur les salaires renversants des dirigeants des grandes compagnies et des banques canadiennes et québécoises. Je ne comprends toujours pas ce qu’un être humain qui n’a rien d’un dragon à 12 têtes peut faire avec un salaire de 3, 9 ou 12 millions de dollars par année. Si vous avez le cœur solide, une petite recherche Google avec le texte «Les 25 PDG les mieux payés au Québec» vous amènera sur un article très étoffé publié en 2018 par le Journal de Montréal. Pour éviter de me sentir profondément frustré, j’ai presque arrêté de lire ce genre d’articles.

Il y a quelques semaines, j’ai reçu sur WhatsApp une vidéo de deux minutes que j’ai écoutée sept fois de suite avec l’étonnement de celui qui a découvert subitement le secret du bonheur. À la fin d’une extraordinaire entrevue d’une heure avec la réalisatrice de télévision Eugenia Voda à la Télévision roumaine (TVR), le regretté acteur roumain Dem Radulescu, un des plus grands comédiens de tous les temps en Roumanie, nous a offert en quelques phrases à peine la recette du bonheur applicable mondialement et inspirée par la pièce de théâtre Le Roi se meurt du formidable dramaturge roumain d’expression française Eugen Ionescu (pour les francophones Eugène Ionesco). Avec un talent de vulgarisateur hors du commun, Dem Radulescu a dit ceci: «Qu’est qu’il nous dit, cet individu génial qu’est Eugen Ionescu?... Tu veux être heureux? Ne regarde pas en haut. Regarde en bas. Si tu regardes en haut, tu verras des humains plus heureux que toi et tu seras jaloux et cela te fera souffrir. Si tu veux être heureux, regarde en bas au plus grand malheur, regarde un aveugle. Regarde un aveugle et tu retourneras en paix chez toi. Regarde en bas pour voir ce que cela veut dire la douleur, tu verras l’hôpital de la pièce Le Roi se meurt. Qu’est-ce qui se passe dans cette pièce? Que nous apprend Ionescu? Il nous apprend à remercier Dieu pour le présent que tu vis, d’apprécier ce présent.»

Même si les citations de la pièce ionescienne Le Roi se meurt ne sont pas exactes, le maître de la comédie roumaine et le professeur de théâtre qu’a été Dem Radulescu (que j’ai eu le privilège d’interviewer une fois à Bucarest) nous offre la pilule du bonheur jusqu’au bout en racontant le dialogue entre le roi Bérenger dont la mort est imminente et Juliette, sa femme de ménage. «Juliette: Je suis allée au marché et j’ai vu des aubergines. / Bérenger: T’as vu des aubergines??! / Juliette: Oui, j’ai vu aussi des tomates. / Bérenger: T’as vu des tomates ??! / Juliette: Oui, majesté, mais je monte 237 marches pour retourner au château. / Bérenger: Que tu es heureuse de pouvoir les monter...»

Article publié dans le numéro de février 2020.